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25.7.20

Catholique a ecrit


Cher Wahrani,
Merci de votre belle et longue réponse que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ! Vraiment, je trouve à la fois fascinant, juste et un bel éloge de considérer l’expression coranique « sœur d’Aaron » comme un titre qui rappelle la consécration de la Vierge Marie, en la reliant à l’état sacerdotal.

Je vais aussi apporter quelques éclaircissements sur certaines de vos affirmations :

« Imran » qui est Amram dans la Bible est cité dans Exode 6,29 et Nombres 26, 59. Son nom figure explicitement dans la Septante qui est antérieure de 3 siècles au début de l’ère chrétienne. Le manuscrit 4Q543-549 trouvé à Qumran, écrit en araméen et daté du 2ème siècle avant Jésus-Christ est un texte intitulé « Vision d’Amram » qui rapporte les dernières paroles du père de Moïse.

La tradition juive connaît également certains récits légendaires sur cet homme. Tout ceci est à la fois antérieur aux travaux des Juifs qui ont établi le texte massorétique et encore plus ancien que les Pères de l’Eglise. Non, il n’a pas fallu attendre le Coran pour le savoir et une fois encore, la tradition manuscrite établit l'ancienneté et l'exactitude du contenu de la foi.

Sur la vie de Marie, nous disposons de textes apocryphes mais conformes à la foi chrétienne. On parle alors d’apocryphes chrétiens. Ils sont édités par la Pléiade, j’ai la chance de les avoir dans ma bibliothèque. Le protévangile de Jacques est le plus connu, complet et ancien de ces textes à nous rapporter la naissance et l’éducation de Marie. Il date de la fin du 2ème siècle et fut cité par Clément d’Alexandrie et Origène. D’autres textes sont des reprises de ce document : le « Livre de la nativité de Marie », « l’évangile de l’enfance du pseudo-Matthieu » et « l’histoire de Joseph le Charpentier ».
Ces textes ont aussi été écrits contre les calomnies épouvantables colportées contre la Vierge Marie et dont je préfère ne rien dire par respect pour notre maman du Ciel, la Toute Sainte

Voici un extrait de l’introduction d’Albert Frey sur le "Protévangile de Jacques" :
« A la manière d’un midrash haggadique, le protévangile réinterprète les premiers chapitres des évangiles de Luc et de Matthieu. Il résout les difficultés posées par ces textes et leur différences, comble les silences, explicite, laisse de côté certains éléments et constitue un récit suivi édifiant, qui apprend au lecteur comment interpréter des textes qu’il connaît par ailleurs »

D’où la tradition a retenu ceci : les parents de la Vierge Marie se nommaient Anne et Joachim. Juifs pieux et de lignée davidique, ils s’affligeaient de n’avoir pas d’enfant. Dieu leur fait la grâce de la naissance d’une fille, qui sera consacrée au Temple, dès l’âge de 3 ans où déjà, elle est comblée de grâces surnaturelles et stupéfie par sa sagesse et sa bonté. Arrivée à l’âge nubile, il est temps de la marier mais Marie souhaite conserver son état de vierge consacrée. Par intervention divine, c’est Saint Joseph qui sera chargé de veiller sur la virginité de la bienheureuse Vierge Marie, ce qui prend la forme d’un mariage lui garantissant cette protection.

Voici le début du « Livre de la nativité de Marie » :
« Donc, la bienheureuse et très glorieuse Marie, toujours vierge, est issue de la race royale et de la famille de David ; elle naquit dans la ville de Nazareth et fut élevée à Jérusalem dans le Temple de Dieu. Son père s'appelait Joachim, sa mère Anne. La maison paternelle était originaire de Galilée, de la ville de Nazareth ; la famille maternelle, de Bethléem. Leur vie était simple et honnête devant Dieu, irréprochable et charitable auprès des hommes. Ils divisaient tout leur bien en trois parts, consacrant une partie au Temple et aux serviteurs du Temple, donnant une autre aux pèlerins et aux pauvres, réservant la troisième pour eux-mêmes et pour les besoins de leur domesticité. Justes envers Dieu, charitables envers les hommes, ils vécurent ainsi pendant vingt ans environ une vie conjugale chaste, sans procréation d'enfants. Ils firent cependant voeu, si Dieu leur donnait un descendant, de le consacrer au service du Seigneur. »

Et ici, « Protévangile de Jacques » X, 1
"Et le grand-prêtre dit : " Appelez-moi les jeunes filles de la tribu de David, qui sont sans tache. " Ses serviteurs partirent, cherchèrent et en trouvèrent sept. Mais le prêtre se souvint que la jeune Marie était de la tribu de David et qu'elle était sans tache devant Dieu. Et les serviteurs partirent et l'amenèrent. 2. Et l'on fit entrer ces jeunes filles dans le temple du Seigneur. Et le prêtre leur dit : " Tirez au sort laquelle filera l'or, l'amiante, le lin, la soie, le bleu, l'écarlate et la pourpre véritable. "

La question du lignage est encore parfois discutée quoique la filiation davidique soit la mieux attestée par les évangiles. Marie était quand même parente avec Elisabeth, l’épouse du prêtre Zacharie : elle n’ était pas sans lien avec la classe sacerdotale ! Toutefois, le fait que Nazareth était un village peuplé de descendants du roi David, dont il tirait son nom (1) et le voyage de Marie à Bethléem, alors qu’elle est sur le point d’accoucher, point une origine davidique de la famille de Marie, l’inexistence d’un héritier mâle pour porter les droits patrimoniaux (Marie n’avait donc pas de frère) qui ont fait obligation à Marie de se marier dans sa tribu paternelle (Nb 36, 6).
Cela dit, cela n’enlève rien à la valeur de ce qualificatif de « sœur d’Aaron » : c’est un titre plutôt que le rappel d’un lignage. Cela n’enlève rien non plus au fait que Joachim ait pu être connu aussi sous le nom d’Amram, comme vous le présentez avec quelques motifs très sérieux.

Sur ce qu’on appelle «la vie cachée du Sauveur», ce grand silence des récits évangéliques sur la vie de Jésus entre 12 & 30 ans. La 1ère réponse est celle-là même que vous donnez : à proprement parler les évangiles ne sont pas des biographies de Jésus.

On y trouvera aucun détail trivial sur son enfance mais seulement tout ce qui annonce son ministère messianique. C’est pourquoi Luc évoque  la venue de Jésus au Temple à 12 ans et pas les pèlerinages réguliers qu’il y a certainement fait avec sa famille. De même, on y trouve rien sur la banalité du quotidien d’une famille juive et pourtant, tout ce silence est éloquent. Voici ce commentaire de la « Bible des peuples » qui offre, je trouve, la réponse la plus simple et la plus juste :
« Au cours des années à Nazareth, Jésus découvre la vie comme n’importe quel enfant ou adolescent de son âge. Il ne reçoit aucune formation spéciale et ne manifeste aucun don extraordinaire, si ce n’est son jugement parfait qui mesure tout selon le critère de Dieu. (…) Joseph lui transmet la foi d’Israël ; la communauté de Nazareth, si insignifiante soit-elle, fait de lui un Juif observant, soumis à la Loi. Mais que fut l’expérience profonde de Jésus, comment le Fils de Dieu s’est-il situé dans ce monde des hommes à mesure qu’il le découvrait ? Luc ne nous a rapporté qu’un seul fait, qui lui a paru significatif comme il avait paru à Marie elle-même. (…) Luc ne dit rien de plus sur la vie de Jésus à Nazareth jusqu’à ce qu’il commence à prêcher. Joseph a dû mourir avant que Jésus ne se manifeste, car autrement Marie serait restée avec lui quand Jésus quitta la maison. Le fils de Marie est devenu “l’artisan” de Nazareth et un siècle plus tard la communauté chrétienne du village conservait encore des objets fabriqués par le charpentier, Fils de Dieu. »

(1) E. Nodet, « Histoire de Jésus, nécessités et limites d’une enquête », p. 110-111 et 118

Je vous souhaite une belle journée !
Catholique


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