Bonjour cher Wahrani,
Continuons alors à échanger, cela nous conduira sur
des chemins peut-être inattendus.
Je souscris largement à votre opinion sur les
bienfaits des religions dans une société : il suffit de voir l’état de la France où les religions
sont accusées de tous les maux et la piété ridiculisée pour s’en convaincre. Il
n’y a plus guère de morale publique et chacun y vit comme si les autres
n’existaient pas.
Sur la bienheureuse Vierge Marie, je vais essayer de
vous répondre, je ne serais peut-être pas complète. Si le dogme de l’Immaculée
Conception a bien été proclamé en 1854
et celui de son Assomption en 1950, ils faisaient partie de la foi du peuple
chrétien depuis toujours et étaient attestées par les écrits, les arts et la liturgie.
- Les écrits : la Bible mais aussi les écrits apocryphes chrétiens
qui décrivent l’Assomption de Marie,
- Les arts qui ont représenté l’Assomption de la Vierge bien avant que le
dogme en soit proclamé
- La liturgie : les célébrations mariales autour de
ces évènements sont attestés depuis l’Antiquité dans les églises les plus
respectées (Constantinople, Jérusalem, Rome)
Pour compléter ce sujet, je vous propose cette
catéchèse de Jean-Paul II, qui poursuit l’enseignement de Pie XII que vous avez
cité. C’est très clair et très didactique :
Sur la question du mariage de Marie et sa virginité
perpétuelle et l’apparente contradiction avec sa consécration virginale, il
faut se plonger dans les particularités du judaïsme ancien, qui était celui de
Marie, de Jésus, de Joseph et des Apôtres.
Il était possible de vivre dans un état de
consécration, tel le naziréat ou la virginité consacrée qui tirait son origine
dans le judaïsme, de l’exemple de la fille de Jephté (Juges 11). Toutefois, les
formes de la consécration pouvaient être diverses et n’ont jamais fait l’objet
de normes écrites. Cela n’a rien à voir avec le monachisme chrétien où tout est
soigneusement défini.
Si une vierge souhaitait consacrer son état de vie,
elle devait être placée sous la protection d’un homme de confiance, plus âgé,
chargé de veiller sur sa virginité et son intégrité. Cela prenait la forme d’un
mariage, dont la finalité n’était pas celle d’un couple ordinaire, mais bien
une garantie pour la vierge consacrée. Le vœu n’était pas nécessairement gardé
à vie : dans l’hypothèse où la vierge souhaitait mettre fin à son vœu, le
mariage devenait effectif. Cela empêchait des jeunes filles de se retrouver
dépourvues et livrées à elle-même (et donc, en danger).
C’est ce que nous rapporte ces fameux textes que nous
avons vu ensemble : Joseph est choisi pour garder la virginité de Marie. Si
vous relisez attentivement les récits de la naissance de Jésus, chez Matthieu
et Luc, vous constaterez qu’en considérant le mariage de Joseph et Marie, comme
un lieu de protection de sa virginité consacrée, la réaction de Joseph et celle
de Marie à l’annonce de la conception de Jésus sont limpides.
Dans Mt, si Joseph est affligé par la grossesse de
Marie, c’est parce qu’il pense qu’il a failli dans sa mission de gardien de la
virginité de Marie et pas parce qu’il met en doute sa fidélité ou sa moralité.
Dans Lc, si Marie semble s’étonner que l’ange Gabriel
lui annonce une grossesse dans un avenir très proche, alors qu’elle est une
jeune mariée, c’est bien que son mariage n’avait pas pour projet de fonder une
famille…
Je sollicite encore le commentaire de la Bible des peuples où l’on
retrouve aussi la discussion que nous avons eu sur l’ascendance de Marie :
La virginité de Marie allait contre toute la mentalité
juive, qui mettait au premier plan la fécondité. Pour Joseph cependant,
accepter cette situation n’était pas chose impensable. Car à cette époque, chez
les Juifs, certains du parti des esséniens vivaient le célibat comme des
moines.
Joseph ne voulait pas “lui faire une mauvaise réputation”. C’est le sens du verbe grec
qu’on traduit parfois de façon erronée : “la dénoncer”. Cela signifierait,
comme beaucoup le croient très à la légère, que Joseph met en doute la fidélité
de Marie. Cette erreur en entraîne une autre au verset suivant. On croit que
l’ange veut rassurer Joseph : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie, car elle
est enceinte par l’intervention de l’Esprit Saint ». Mais ce car n’est pas le
sens habituel de la conjonction grecque : l’intervention de l’ange n’est pas
pour rassurer Joseph, mais pour l’informer de son rôle dans le plan de Dieu :
Tu lui donneras le nom de Jésus et tu le recevras comme ton fils. Joseph était
un descendant de David, et Jésus, adopté par Joseph, serait un descendant
légitime de David. Tout se passe comme si Marie elle-même l’avait mis au
courant : Joseph comprend que l’annonce à Marie présage beaucoup plus qu’un
bébé à mettre au monde, et il se voit étranger à un tel destin.
Il cherche comment rendre à Marie sa liberté sans lui
créer de problèmes, sans lui faire de tort, et l’ange lui donne la réponse en
lui montrant sa propre vocation : c’est lui, descendant de David, qui
transmettra à l’enfant les promesses faites à David aussi bien que la foi
d’Israël. Là est le sens de l’intervention de l’ange au verset 20. Fils par le
sang ou fils adoptif, Jésus devait être descendant de David, et ce n’était pas
le cas de Marie, laquelle appartenait sans doute comme sa cousine Élisabeth,
non à la tribu de Juda, qui était celle du roi David, mais que, comme sa
cousine Élisabeth, elle appartenait à une famille de prêtres de la tribu de
Lévi.
Des réponses définitives ? Sans doute non. Je ne peux
vous donner que le fruit de ma réflexion sur ce sujet, car vous vous en doutez,
je me suis aussi posée la question du silence des textes sur la vie de Jésus.
Il est très frustrant quand on aime Jésus, de lire si
peu de choses sur lui et en fin de compte, il nous échappe toujours quelque
chose de Lui : on ne peut se saisir de lui si facilement. De quoi nous, parlent
les évangiles ?
Une naissance extraordinaire et 3 années de ministère
public en Galilée et en Judée.
Un procès expéditif, une croix et un tombeau. Sa vie
se résume donc à cela ?
Avaient-ils des amis quand il était enfant ?
Etait-il assidu aux offices de la synagogue ?
A-t-il voyagé ici et là au gré de son activité de
charpentier ?
A quoi ressemblait-il physiquement ? Quel était le son
de sa voix ?
Toutes questions sans réponse…
Comme je vous l’ai dit, les évangiles ne sont pas à
proprement parler des biographies de Jésus mais un recueil de faits qui
attestent de sa mission messianique.
Pourtant, je suis convaincue qu’il y a dans paroles et
les gestes de Jésus, comme en filigrane, le fruit de « cette vie cachée du Seigneur ». Qu’a fait Jésus jusqu’à l’âge de 30
ans ? Il a vécu et partagé la vie des petites gens, telle qu’elle pouvait être,
au 1er siècle de l’empire romain, en Galilée. Il a vu les joies et les peines
de ces humbles sans pouvoir ni moyen et parfois, sans espoir d’améliorer leur
sort.
Pourquoi Jésus rend-il un fils à sa mère (Lc 7, 11-15)
s’il n’avait déjà été touché par le chagrin des mamans qui perdaient un enfant
en bas âge ?
Pourquoi Jésus met-il en scène des journaliers dont
personne n’a voulu et qui vont percevoir le salaire d’une journée complète s’il
n’avait lui-même constaté la dureté des
conditions de vie de tous les travailleurs agricoles pauvres et itinérants qui
cherchaient du travail à la journée, pour gagner à peine de quoi vivre ? (Mt
20, 1-16)
Pourquoi Jésus aurait-il changé l’eau en vin à Cana,
s’il n’avait lui-même déjà partagé la joie des noces villageoises, sans doute
au milieu des autres habitants de Nazareth ? (Jean 2)
Dans ces années silencieuses, Jésus a vécu en témoin
de la condition humaine, de ses duretés et de ses joies, de l’oppression des
plus forts sur les plus faibles et du cri des victimes que Dieu seul entend.
Dans la joie du Christ qui nous donne du repos,
Catholique
P.S. :
Wahrani a écrit:
Dans le Qur'an, Meryem est appelée "Celle
qui est restée vierge" (s21
v91), "Celle qui a préservé sa virginité" (s66 v12).
Le Prophète (SAWS) a dit : «Meryem
est la reine de toutes les femmes au Paradis » (Musnad de l’Imam Ahmad ibn Hanabl)
Amen !
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